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L'armoire des robes oubliées de Riikka Pulkkinen

Shrewsbury, English Bridge

Auteur : Riikka Pulkkinen
Titre original : Totta (finnois)
Traducteur : Claire Saint-Germain
Date de publication : 2010 (traduction française : 2012)
Editions : Albin Michel
Pages :398
Mon avis

* Presque tous les romans comportent une histoire d'amour, la description de ses commencements. Et ces récits ont tous quelque chose d'identique, une ressemblance si grande qu'une description précise est une entreprise superflue. Pourtant, chacun d'eux contient son propre mystère.*

Révélation finlandaise, Riikka Pulkkinen a tout juste trente ans et le visage d'un ange, mais ne vous y trompez pas : c'est une très vieille âme qui sait décrire avec la même puissance d'émotion une grand-mère en train de mourir, un homme qui se retourne sur son passé ou une jeune fille qui, trouvant une robe oubliée, part à la découverte des secrets de sa famille...
Sélectionnée par le Finlandia Prize, éblouissant par la richesse de son écriture et sa sensibilité vibrante, L'armoire des robes oubliées impose d'emblée Riikka Pulkkinen comme l'une des romancières les plus douées de sa génération.

*J'avais déjà oublié la confiancce que les enfants reçoivent en partage parce qu'ils ne connaissent rien d'autre : la foi reçue en naissant, que tou ira bien. A une période de sa vie, on la perd un instant, inévitablement. Si l'on a de la chance, elle revient. Viennent des gens pour vous prendre dans leurs bras sous la couverture, dans les chambres à coucher, pour vous tendre la main par dessus des tables, et avec eux cous réapprenez ce qu'il vous avait fallu perdre en même temps que l'enfance .*

Lorsque la quatrième de couverture d’un livre ne présente pas de résumé, il est toujours difficile de savoir à quoi s’attendre. C’est le cas de L’armoire des robes oubliées qui, au lieu de dévoiler l’histoire ou de nous faire envie avec un synopsis plein de suspense, nous fournit des détails sur l’auteur et les prix qu’elle a reçus avec sa première œuvre. Un bon choix ? Difficile à dire, mais c’est une stratégie comme une autre.
Sans résumé sur lequel base son choix, comment se décider pour ce roman, et pas un autre ? Bonne question. Je dois admettre que je ne me rappelle pas exactement ce qui m’a attirée en premier. Peut-être l’image de couverture, qui m’a beaucoup plu, ou le nom exotique de l’auteur. Ce qui est sûr, c’est qu’avant de le commencer, j’ai quand-même consulté un bref aperçu de l’histoire. On n’est jamais trop prudent.
On entre dans la vie d’une famille finlandaise, dont nous apprenons à connaître trois générations : les grands-parents, Elsa et Martti, les parents, Eleonoora et Eeros, et les enfants – déjà grands – Anna et Maria. Alors que leur vie est tout ce qu’il y a de plus ordinaire, la maladie d’Elsa va tout bouleverser. Comme on peut s’y attendre lorsque ses jours sont comptés, c’est le temps des souvenirs et des discussions sérieuses concernant le passé. Et c’est aussi le moment où, suite à la découverte d’une robe oubliée, les secrets de familles, enfouis depuis des décennies, refont surface.
A la lecture d’un tel résumé, on imagine bien évidemment une sorte d’enquête pour découvrir la vérité, des disputes et des larmes. Je m’attendais à une œuvre proche de Boomerang, de Tatiana de Rosnay, et je dois dire que je me suis bien trompée. En effet, Riikka Pulkkinen ne se concentre pas sur l’aspect dramatique de l’histoire et ne joue pas non plus sur le suspense : elle nous livre bien un roman psychologique, centré sur les relations entre les personnages, leur passé et leurs émotions au fil du temps. Autant vous dire que si vous attendez de l’action, vous serez déçu.
La plume est légère et poétique, incluant de nombreux détails des sensations ressenties par les personnages. On remarque un changement de style selon le point de vue utilisé. L’histoire passe du présent (les années 2010) au passé (les années 60) et le narrateur change à chaque fois. Bien qu’il soit parfois difficile de comprendre qui raconte – surtout au début – plusieurs indices nous mettent sur la voie : les temps verbaux qui ne sont pas les mêmes dans le présent et les flashbacks, le vocabulaire utilisé qui devient plus simple si on a affaire aux souvenirs d’un enfant… C’est donc une technique narrative plutôt inhabituelle, mais on s’y habitue sans trop de difficultés.
Si j’ai trouvé la plupart des personnages intéressants et bien développés, d’autres m’ont laissé sur ma faim. En effet, Maria, par exemple, n’a pas vraiment de rôle dans l’histoire, et je n’ai donc pas réellement apprécié sa présence. De manière générale, on en vient à les connaître en découvrant leur vie quotidienne, ce qui est une bonne méthode pour les comprendre et d’attacher à eux. Lorsqu’on en apprend un peu plus sur leur passé également, on saisit mieux leur comportement et certaines de leur réaction. Car le secret de la mystérieuse Eeva a eu un impact important sur la vie de plus d’une personne, et le fait qu’il remonte à la surface va faire des vagues.
Pourtant, l’auteur ne bascule jamais dans l’excès : pas de drame trop romancé, de disputes et de cris invraisemblables. Chacun accueille la vérité à sa manière, une manière réaliste… ce qui nous fait comprendre que cette histoire pourrait arriver à n’importe quelle famille classique que nous connaissons, pas seulement à des personnages de roman.
L’histoire en elle-même ne contient donc que très peu de suspense, mais elle m’a néanmoins plu. Ce que je reproche à L’armoire des robes oubliées, c’est plutôt sa forme que son fond. Le changement de point de vue est intéressant, mais j’ai à plusieurs reprises, j’ai eu de la peine à m’y retrouver. L’entrelacs entre l’histoire d’Anna et d’Eeva, qui sont très similaires bien qu’elles appartiennent à deux générations différentes, m’a beaucoup perturbée, au point parfois de me demander qui était en train de raconter l’histoire et laquelle d’entre elles avait vécu certains des évènements racontés. Cette impression de flou était sans aucun doute recherchée par l’auteur, mais arriver à la fin en me posant encore de nombreuses questions ne m’a pas séduite, loin de là. Un sentiment d’inachevé, car on ne découvre pas réellement l’histoire d’Anna, juste la promesse qu’elle va la raconter. Un sentiment d’inachevé car il me semble impossible de comprendre ce qui est réellement arrivé à Eeva ou à Anna.
L’armoire des robes oubliées est un très beau roman. Derrière son histoire anodine d’une famille ordinaire et son style d’écriture simple se cachent des réflexions profondes sur l’amour, le chagrin, la perte d’un être aimé, la mort, le secret, le pardon… Des personnages attachants nous entraînent dans les secrets de leur famille qu’on s’efforce d’oublier entre Helsinki, la campagne finlandaise et Paris. Une histoire d’amour au rythme tranquille, pleine de détails, avec des émotions et sentiments hauts en couleurs.

Purge de Sofi Oksanen


Shrewsbury, English Bridge


Auteur : Sofi Oksanen
Titre original : Puhdistus (finnois)
Traducteur : Sébastien Cagnoli
Date de publication : 2008 (traduction française : 2010)
Editions : Le livre de poche
Pages : 430
Mon avis

* Quand ceux qui rentraient des camps arrivèrent et s'installèrent pour une nouvelle vie, elle les reconnut parmi les autres gens. Elle les reconnut à leur regard obscurci, le même qu'ils avaient tous, les jeunes comme les vieux. Elle les évitait dans la rue, de loin déjà elle les évitait, et elle avait peur avant même de tourner la tête. Elle avait peur avant même de tourner la tête. Elle avait peur avant même de réaliser que c'était l'odeur du camp qu'elle voyait dans leurs yeux. Elle était toujours dans leurs yeux, la conscience du camp.*

1992, fin de l'été en Estonie. L'Union soviétique s'effondre et la population fête le départ des Russes. Sauf la vieille Aliide, qui redoute les pillages et vit terrée dans sa ferme. Lorsqu'elle trouve Zara, une jeune femme meurtrie, en fuite, que des mafieux russes ont obligée à se prostituer à Berlin, elle hésite à l'accueillir. Pourtant, une amitié finit par naître entre elles. Allide aussi a connu la violence et l'humiliation... A travers ces destins croisés pleins de bruit et de fureur, c'est cinquante ans d'histoire de l'Estonie que fait défiler Sofi Oksanen.
Lorsque je termine un livre, je me mets généralement très rapidement à rédiger ma chronique et, que je l’aie apprécié ou pas, j’ai toujours de nombreuses choses à dire. En ce qui concerne Purge, de Sofi Oksanen, c’est tout différent. J’ai terminé ma lecture il y a quelques temps, mais je ne sais toujours pas réellement ce que j’en pense. Est-ce que je l’ai aimé ? Sans doute. Etait-ce un coup de cœur ? Certainement pas… Mais pourquoi ? Voilà une très bonne question.
Ce qui est sûr, c’est que ce roman n’était pas réellement ce à quoi je m’attendais. Et alors, qu’espérais-je y trouver ? Je ne le sais pas non plus. J’ai apprécié cette lecture sous plusieurs aspects, mais je n’en reste pas moins indécise, probablement en grande partie à cause de la fin.
L’action se déroule en Estonie, dans la ferme de la vieille Aliide. Elle découvre une jeune fille dans sa cour et, bien malgré elle, l’accueille chez elle. Elles feront connaissance et découvriront qu’elles ont bien plus en commun que ce qu’elles pensaient.
Forcément, dans un tel roman, le contexte est très important. L’Estonie est un pays à l’histoire compliquée, qui a passé des mains des communistes à celles des capitalistes (et inversement) à plusieurs reprises. Pour nous faire connaître cinquante ans d’histoire, l’auteure se sert de son personnage principal, Aliide. La première partie est consacrée au présent (1992) et à sa rencontre avec la jeune Zara, mais par la suite, elle se souviendra de son enfance, dès 1936, et des périodes troublées qu’a traversées son pays. L’histoire est divisée en chapitres très courts, oscillant entre le présent des personnages et leur passé. Heureusement, les lieux de l’action, ainsi que les dates, sont indiqués au début à chaque fois, de manière qu’on puisse s’y retrouver facilement. Il y a toutefois un élément qui m’a gênée dans cette division : la petite phrase en italique, sous les indications temporelles, qui résume en quelque sorte ce qui va suivre. En effet, je n’en vois pas réellement l’utilité et je trouve qu’elles gâchent un peu la surprise de ce qu’on va lire.
En ce qui concerne l’histoire en elle-même, elle est très intéressante, car les deux femmes ne se connaissent pas et ont pourtant un passé qui va les rapprocher. J’ai apprécié le voyage dans leurs pensées qui nous est offert, et le fait que l’une et l’autre ne se font pas réellement confiance. Ainsi, le lecteur en sait plus que les personnages, et ce décalage m’a beaucoup plu.
J’espérais en apprendre beaucoup sur les événements historiques de l’Estonie, et je dois avouer être un petit peu déçue à la fin. Je n’avais pas de connaissances préalables, ce qui fait que j’ai eu du mal à comprendre qui était dans quel camp et ce qui se passait réellement au début de l’histoire. Après avoir fait quelques recherches personnelles, j’ai mieux saisi le déroulement de l’intrigue, mais je trouve que les explications sont un peu trop compliquées pour ceux qui ne s’y connaissent pas. Heureusement, il y a un résumé chronologique à la fin du roman, qui résume toutes les étapes importantes et explique en bref ce qu’il faut savoir pour apprécier pleinement l’histoire.
Je me suis prise d’affection pour Aliide, alors que j’aurais voulu la détester pour ses actes passés. A mesure que j’en apprenais plus sur elle, je la trouvais plus attachante et j’essayais de me représenter à sa place et d’imaginer ce que j’aurais pu faire dans sa situation. C’est un personnage étrange, et ce n’est qu’au fil des pages que l’on comprend mieux ses agissements. Du côté de Zara, bien que je l’aie appréciée également, j’aurais voulu qu’elle soit un peu plus développée, car on en sait finalement relativement peu à son sujet.
Si la première partie m’a paru compliquée – probablement à cause de tous les aspects politiques – la suite du roman m’a beaucoup plu et j’ai apprécié le style de l’auteur, mélangeant les registres, incluant des métaphores et des images. Les quelques lettres glissées dans le récit m’ont aussi plu, car elles mettaient en scène un autre personnage que l’on ne rencontre pas directement.
Ce qui m’a le plus dérangée, toutefois, c’est la fin, et c’est sans doute pour cette raison que j’ai des difficultés à donner mon avis sur ce roman. En tournant la dernière page, je me suis demandé si j’avais raté quelque chose. J’ai repris les derniers chapitres, relu le tout… sans trouver de réelle réponse à mes questions. Ce livre peut-il réellement se terminer ainsi, de manière aussi simple et anodine ? Je ne voulais tout simplement pas y croire. Et surtout, quel est le but de la cinquième et dernière partie, composée uniquement de lettres et de rapports de la police secrète ? Je pensais que j’avais bien saisi les intrigues politiques du roman, mais là, j’ai été perturbée et j’avais l’impression de ne plus comprendre et d’être passée à côté de quelque chose durant toute ma lecture.
Malgré cette dernière note plutôt négative, Purge reste un roman qui vaut la peine d’être lu et qui mérite ses excellentes critiques. Les personnes ayant quelques connaissances historiques de l’Estonie prendront sans doute plus de plaisir à la lecture, car les aspects politiques sont importants dans ce livre et parfois compliqués à comprendre. La plume de l’auteur (de même que sa traduction) est agréable à lire et l’histoire très touchante nous donne un aperçu d’une période troublée vécue par ce petit pays. Un livre que je recommande à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire et à d’autres cultures, mais pas à un public trop jeune car certaines scènes sont violentes et crues, et les thèmes abordés – tels que le mensonge, la peur… – sont sérieux.

Meurtriers sans visage d'Henning Mankell


Shrewsbury, English Bridge

Auteur : Henning Mankell
Titre original : Mördare utan ansikte (suédois)
Traducteur : Philippe Bouquet
Date de publication : 1991 (traduction française: 1994 et 2001)
Editions : Points policiers
Pages : 386
Mon avis

* Kurt Wallander se fit de nouveau la réflexion que quelque chose d'important était en train de se passer en Suède. Il eut même fugitivement l'occasion de constater qu'il nourrissait personnellement des opinions parfois bien contradictoires quant à certains arguments hostiles dans la presse ou dans le débat public au moment du procès. Le gouvernement et le service de l'Immigration étaient-ils vraiment bien informés quant à l'identité des gens qui arrivaient en Suède? Qui méritait d'être qualifié de réfugié et qui n'était qu'un aventurier? Etait-il même possible de faire vraiment la différence?*

Dans une ferme isolée de Suède, un couple de paysans retraités est sauvagement assassiné. Avant de mourir, la vieille femme murmure un mot: "étranger". Il n'en faut pas plus pour provoquer une vague de violence contre les demandeurs d'asile de la région. Le commissaire Wallander va devoir agir vite, sans tomber dans le piège de la xénophobie ambiante qui brouille les pistes...
Un crime horrible, apparemment sans mobile, commis dans une ferme : deux personnes âgées décèdent, mais avant cela, la femme a le temps de prononcer le mot « étranger ». C’est une bien maigre piste pour le commissaire Wallander et son équipe, mais ils doivent faire de leur mieux pour découvrir le coupable au plus vite, avant que la xénophobie ne pousse certains habitants de la région à des actes terribles.
La trame de l’histoire est simple, banale, même. Et pourtant, immédiatement, on sent que c’est un roman qui vaut le détour. Est-ce à cause de la violence du crime ? Est-ce à cause du peu d’indices à disposition des enquêteurs ? Ou encore en raison du caractère des personnages, qui ne lâcheront pas l’affaire avant d’avoir découvert la vérité ? Peu importe…
Meurtriers sans visage est le premier livre de la série « Kurt Wallander ». Il met donc en place des personnages que l’on retrouvera plus tard, ainsi que le paysage suédois. Rapidement, on a un aperçu de la vie de Wallander, qui n’est de loin pas un super-héros – malgré le sang-froid et l’esprit d’initiative dont il fera preuve. Entre sa femme qui l’a quitté, sa fille qui ne lui fait pas confiance et son père qui l’inquiète de plus en plus, sa vie n’est pas vraiment rose. Au cours de l’enquête, il s’interroge également sur la police et sur la criminalité en général, ce qui nous fait réfléchir.
Henning Mankell pose également les bases des relations entre les autres personnages, en particulier celles de l’équipe d’enquêteurs. Ils ne sont pas encore trop développés, ce qui est compréhensible au vu du nombre de romans qui suivront. De cette manière, l’auteur limite les répétitions inutiles. Le personnage de Rydberg est très attachant – peut-être aussi parce que je connais la suite, n’ayant pas lu les romans dans l’ordre où ils ont été écrits – et j’ai beaucoup aimé la manière dont lui et Wallander collaborent.
Du point de vue de l’enquête elle-même, on est immédiatement plongé dans l’atmosphère du crime. L’action s’essouffle toutefois rapidement en raison du manque de pistes. C’est alors que d’autres événements surviennent, remettant un peu de vie à l’hôtel de police. Bien qu’intéressants, j’ai trouvé que ces épisodes étaient quelque peu lents, en particuliers si on les compare avec la fin, qui est elle très rapide. En effet, on passe sur plusieurs mois de recherches infructueuses en quelques pages, puis on a la résolution, en quelques pages également. J’ai trouvé dommage que la répartition soit si inégale.
Les passages où il n’y a pas beaucoup d’action sont tout de même très intéressants. Ils nous permettent de découvrir un pays que, personnellement, je ne connais pas, par de petites scènes d’apparence innocente. C’est seulement à la fin du livre qu’on se rend compte que, finalement, on en sait bien plus sur la Suède qu’auparavant.
En raison de la nature du crime qui est commis au début du livre et du dernier mot prononcé par la femme avant sa mort, Henning Mankell se penche sur les étrangers. Bien que le livre ait été écrit dans les années 1990, c’est un thème qui est aujourd’hui encore d’actualité. Au fil des pages, on remarque à quel point les personnages ont des réactions différentes par rapport aux réfugiés, et j’ai trouvé que c’était un bon échantillon de la société.
Le style d’écriture nous plonge rapidement dans le roman car il est plutôt facile à lire et entraînant. J’ai toutefois été gênée par quelques répétitions (surtout le nom complet de Kurt Wallander, qui revient un nombre incalculable de fois, alors que ses collègues, par exemple, sont généralement désignés par leur nom de famille seulement). En comparaison avec les autres romans d’Henning Mankell que j’ai lus, j’ai tout de même trouvé que le style était un peu moins soigné. J’ai deux hypothèses qui pourraient expliquer cela : soit c’est parce qu’il s’agit de la première enquête de Wallander et que l’auteur en était encore à ses débuts, soit c’est parce que le traducteur n’est pas le même que pour la plupart des autres romans de Mankell.
Quoi qu’il en soit, c’est un très bon roman que je recommande à tous ceux qui aiment les bons romans policiers, sachant qu’il y a quand-même quelques chapitres où l’action n’est pas au rendez-vous. Certaines scènes sont relativement violentes (en particulier la description de la scène du crime) et certains jeunes lecteurs pourraient donc être choqué. Si vous aimez les enquêtes de Wallander, il est très intéressant d’en lire les débuts pour voir ensuite son développement dans les prochains romans.


Un grand merci à mon frère Yannick qui m'a offert ce livre.

Les chiens de Riga, d'Henning Mankell



Shrewsbury, English Bridge


Auteur: Henning Mankell
Titre original : Hundarna i Riga (suédois)
Traducteur:Anne Gibson
Date de publication: 1992 (traduction française: 2003)
Editions: Points policiers
Pages:319
Mon avis

* Elle parla de vengeance et de haine, d'une peur qui commençait lentement à relâcher son étau, d'une génération opprimée depuis la guerre. Il pensa qu'elle était naturellement anti-communiste, anti-soviétique, qu'elle faisait partie de ces amis de l'Occident que les pays de l'Est avaient toujours paradoxalement fournis à leurs ennemis officiels. Mais toutes ses affirmations étaient étayées par des arguments solides. Il réalisa peu à peu qu'elle tentait de lui faire comprendre. Elle était son professeur, elle ne voulait pas qu'il reste ignorant de l'arrière-plan secret, qui expliquait un certain nombre d'évènements encore difficiles à interpréter. Il comprit qu'il ne savait rien jusque-là de ce qui se jouait en fait dans les pays de l'Est.*

Un canot pneumatique s'échoue sur une plage de Scanie, en Suède. Il contient les corps de deux mafieux originaires de Lettonie, assassinés d'une balle dans le coeur. Le commissaire Wallander part pour Riga. Il se trouve plongé dans un pays en plein bouleversement, où la démocratie n'est encore qu'un rêve, un monde glacé fait de surveillance policière, de menaces, de mensonges. Où se cache la vérité.
Une fois de plus, Henning Mankell nous transporte dans un univers inquiétant, sur les traces du commissaire Wallander. Dans Les chiens de Riga, nous découvrons cette fois un environnement bien différent de sa Suède natale : les Etats baltes et plus particulièrement la Lettonie et sa capitale, Riga.
Tout commence en Suède avec la découverte de deux corps à bord d’un canot. Les victimes sont apparemment originaires d’un pays de l’Est et après quelques recherches, du renfort est envoyé de l’étranger à l’équipe de Wallander. Ainsi, il fait la rencontre du major Liepa, policier letton. Alors même que l’enquête semble terminée et sur le point d’être transmise aux forces de polices de l’étranger, un retournement de situation suggère l’ampleur de l’affaire. Et si l’incident du canot n’était qu’un maillon d’une chaîne infernale ? Le commissaire s’embarque alors dans une mission des plus périlleuses dans la capitale d’un pays en plein changement de régime.
Dès les premières pages, nous entrons dans le vif du sujet. Pas de détails inutiles, ni de descriptions pour nous préparer à la suite et nous mettre dans l’ambiance. Après la découverte du canot, un temps mort dans l’action s’installe, durant lequel nous en apprenons plus sur la situation de Wallander et son état d’esprit actuel. L’équipe dispose de trop peu de renseignements, l’enquête n’avance pas… Rien pour améliorer l’humeur déjà maussade du commissaire, en proie à de nombreux doutes concernant ses relations familiales et amoureuses, ainsi que son métier.
L’arrivée de renfort met un peu de piment dans ce quotidien monotone. Le major Liepa est ici très important car, arrivé tout droit de Lettonie, il introduira brièvement mais efficacement les informations nécessaires à la suite concernant la situation délicate de son pays. Cette partie est calme – surtout en comparaison avec ce qui va se passer ensuite – et sert en quelque sorte de base à la suite de l’affaire.
On fait alors croire au lecteur que l’affaire est terminée… mais que se passerait-il dans les trois quarts restant du roman, si c’était vraiment le cas? Un retournement inattendu va entraîner le départ de Wallander pour Riga, où il découvrira un milieu inquiétant et dangereux. Depuis là, les évènements s’enchaînent à un rythme tant incroyable qu’il est parfaitement impossible de fermer le livre avant d’avoir terminé la dernière page.
Henning Mankell nous entraîne dans les sombres recoins de la Lettonie, un pays en plein changement politique où le danger et la peur règnent partout. Wallander se rend bien vite compte que sa collaboration avec la police est surveillée de tous côtés. Mais comment savoir à qui il peut faire confiance ? Et surtout, quel est le terrible secret que quelqu’un veut à tout prix l’empêcher de découvrir ?
Henning Mankell décrit avec succès l’univers instable dans lequel évoluent les personnages. Impossible de savoir quels personnages sont francs ou corrompus. On ressent l’inquiétude croissante du commissaire au fil de ses rencontres et on essaie d’entrevoir de la lumière au bout de cet immense tunnel… sans succès, car le suspense est bien gardé. Jusqu’aux dernières pages, nous irons de surprise en surprise, pour en arriver à une fin du moins inattendue…
Le style d’écriture est très fluide et contribue à l’escalade de la tension. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Wallander s’embarque sans le savoir dans une aventure tout bonnement invraisemblable… et tellement différente de la Suède qu’il connaît. Sans s’en rendre compte, nous en apprenons beaucoup sur la situation et la vie en Lettonie dans les années 1990. L’auteur sème des informations dans ses dialogues et ses descriptions, ce qui nous permet de nous faire une image claire de l’environnement dans lequel évoluent les personnages sans pour autant avoir l’impression d’assister à un exposé sur le sujet. Grâce aux différents personnages locaux et aux comparaisons entre les pays occidentaux et ceux de l’Est, on peut aisément essayer d’imaginer comment était la situation à cette époque, qui est encore relativement peu connue et explorée.
Henning Mankell nous offre une fois encore une enquête extrêmement bien ficelée, pleine de suspense et de rebondissements, qui prend place dans un univers propice au crime et très inquiétant. Si vous aimez les romans policiers et que vous vous intéressez à une page importante de l’histoire européenne de l’Est, vous vous laisserez sans nul doute emporter par ce roman.

La Cité des Jarres par Arnaldur Indridason



Book cover


Auteur:Arnaldur Indridason
Titre original: Mýrin (islandais)
Traducteur: Eric Boury
Date de publication: 2000 (traduction française: 2006)
Editions: Editions Points Policier
Pages:328
Mon avis
* Il s'agissait d'une petite photo noir et blanc représentant une tombe dans un cimetière en hiver. Il ne reconnut pas immédiatement le cimetière. Une stèle était accolée à la tombe et l'inscription principale était assez facile à lire.C'était un prénom féminin. Audur. Sans patronyme.*

Un nouveau cadavre est retrouvé à Reykjavik. L'inspecteur Erlendur est de mauvaise humeur: encore un de ces meurtres typiquement islandais, un "truc bête et méchant" qui fait perdre son temps à la police... Des photos pornographiques retrouvées chez la victime révèlent une affaire vieille de quarante ans. Et le conduisent tout droit à la "cité des Jarres, une abominable collection de bocaux renfermant des organes.
Premier roman d'Arnaldur Indridason traduit en français, la Cité des Jarres est une réussite. Sous une plume simple mais entraînante, le lecteur est plongé dans l'univers noir et pluvieux de l'Islande. Ce n'est pas exactement un paysage de carte postale: entre le mauvais temps qui perdure, les quartiers sombres et mal fréquentés et les meurtres, on découvre peu à peu cet environnement propice au crime, que l'on ne voudrait pas forcément visiter.
Pourtant, pas d’effroyables scènes de crime, d'interminables courses poursuites ou de violentes fusillades. Ici, l’horreur fait irruption dans la vie quotidienne des personnages de manière inattendue. Des secrets bien gardés depuis de nombreuses années ressortent, changeant à jamais la vie de plusieurs d’entre eux.
L'inspecteur est un homme calme, qui prend son temps pour résoudre une affaire. On l'accompagne ainsi à chaque pas dans son enquête et on fait, par la même occasion, connaissance de sa fille. Les moments où ils se retrouvent tous les deux suscitent des émotions de plus en plus fortes, à mesure que l’on découvre la difficile situation familiale de l’inspecteur.
Les autres membres de l’équipe d'Erlendur sont, comme leur supérieur, très efficaces, bien que le lecteur ait moins affaire à eux. Même si on ne connaît pour ainsi dire rien d'eux, ils nous guident dans les différentes étapes qui nous permettront d’avoir le fin mot de l’histoire. Quelques détails nous sont tout de même cachés (par exemple les trois mots du message qui accompagnait la victime, qui ne nous sont pas immédiatement dévoilés) pour qu’une partie du suspense soit conservé. Il n'y a ni coup de théâtre, ni fin spectaculaire; on assiste plutôt à une résolution où tout semble parfaitement s'enchaîner. Les différents thèmes abordés et l’intérêt pour les méthodes utilisées dans la résolution de l’enquête absorbent toutefois le lecteur jusqu’à la dernière page.
Ce roman policier islandais nous réserve donc bien des surprises grâce à son intrigue étonnante. On est plongé dans la communauté islandaise, île plutôt fermée et qui ne s’est pas mélangée au reste de l’Europe pendant si longtemps. On est alors plongé dans un thème d’actualité de l’Islande, à savoir la recherche génétique, qui jouera un rôle important pour la résolution de l’enquête. Les explications scientifiques, bien que nécessaires au développement de l’intrigues, sont exposées de manière simple et claires, ce qui les rend abordable pour tout le monde.
Si vous vous intéressez à l’Islande et ses spécificités et que vous aimez les romans policiers bien construits, alternant suspense, attente et émotion, la Cité des Jarres est pour vous.


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