Auteur: Henning Mankell
Titre original : Hundarna i Riga (suédois)
Traducteur:Anne Gibson
Date de publication: 1992 (traduction française: 2003)
Editions: Points policiers
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* Elle parla de vengeance et de haine, d'une peur qui commençait lentement à relâcher son étau, d'une génération opprimée depuis la guerre. Il pensa qu'elle était naturellement anti-communiste, anti-soviétique, qu'elle faisait partie de ces amis de l'Occident que les pays de l'Est avaient toujours paradoxalement fournis à leurs ennemis officiels. Mais toutes ses affirmations étaient étayées par des arguments solides. Il réalisa peu à peu qu'elle tentait de lui faire comprendre. Elle était son professeur, elle ne voulait pas qu'il reste ignorant de l'arrière-plan secret, qui expliquait un certain nombre d'évènements encore difficiles à interpréter. Il comprit qu'il ne savait rien jusque-là de ce qui se jouait en fait dans les pays de l'Est.*
Une fois de plus, Henning Mankell nous transporte dans un univers inquiétant, sur les traces du commissaire Wallander. Dans Les chiens de Riga, nous découvrons cette fois un environnement bien différent de sa Suède natale : les Etats baltes et plus particulièrement la Lettonie et sa capitale, Riga.
Tout commence en Suède avec la découverte de deux corps à bord d’un canot. Les victimes sont apparemment originaires d’un pays de l’Est et après quelques recherches, du renfort est envoyé de l’étranger à l’équipe de Wallander. Ainsi, il fait la rencontre du major Liepa, policier letton. Alors même que l’enquête semble terminée et sur le point d’être transmise aux forces de polices de l’étranger, un retournement de situation suggère l’ampleur de l’affaire. Et si l’incident du canot n’était qu’un maillon d’une chaîne infernale ? Le commissaire s’embarque alors dans une mission des plus périlleuses dans la capitale d’un pays en plein changement de régime.
Dès les premières pages, nous entrons dans le vif du sujet. Pas de détails inutiles, ni de descriptions pour nous préparer à la suite et nous mettre dans l’ambiance. Après la découverte du canot, un temps mort dans l’action s’installe, durant lequel nous en apprenons plus sur la situation de Wallander et son état d’esprit actuel. L’équipe dispose de trop peu de renseignements, l’enquête n’avance pas… Rien pour améliorer l’humeur déjà maussade du commissaire, en proie à de nombreux doutes concernant ses relations familiales et amoureuses, ainsi que son métier.
L’arrivée de renfort met un peu de piment dans ce quotidien monotone. Le major Liepa est ici très important car, arrivé tout droit de Lettonie, il introduira brièvement mais efficacement les informations nécessaires à la suite concernant la situation délicate de son pays. Cette partie est calme – surtout en comparaison avec ce qui va se passer ensuite – et sert en quelque sorte de base à la suite de l’affaire.
On fait alors croire au lecteur que l’affaire est terminée… mais que se passerait-il dans les trois quarts restant du roman, si c’était vraiment le cas? Un retournement inattendu va entraîner le départ de Wallander pour Riga, où il découvrira un milieu inquiétant et dangereux. Depuis là, les évènements s’enchaînent à un rythme tant incroyable qu’il est parfaitement impossible de fermer le livre avant d’avoir terminé la dernière page.
Henning Mankell nous entraîne dans les sombres recoins de la Lettonie, un pays en plein changement politique où le danger et la peur règnent partout. Wallander se rend bien vite compte que sa collaboration avec la police est surveillée de tous côtés. Mais comment savoir à qui il peut faire confiance ? Et surtout, quel est le terrible secret que quelqu’un veut à tout prix l’empêcher de découvrir ?
Henning Mankell décrit avec succès l’univers instable dans lequel évoluent les personnages. Impossible de savoir quels personnages sont francs ou corrompus. On ressent l’inquiétude croissante du commissaire au fil de ses rencontres et on essaie d’entrevoir de la lumière au bout de cet immense tunnel… sans succès, car le suspense est bien gardé. Jusqu’aux dernières pages, nous irons de surprise en surprise, pour en arriver à une fin du moins inattendue…
Le style d’écriture est très fluide et contribue à l’escalade de la tension. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Wallander s’embarque sans le savoir dans une aventure tout bonnement invraisemblable… et tellement différente de la Suède qu’il connaît. Sans s’en rendre compte, nous en apprenons beaucoup sur la situation et la vie en Lettonie dans les années 1990. L’auteur sème des informations dans ses dialogues et ses descriptions, ce qui nous permet de nous faire une image claire de l’environnement dans lequel évoluent les personnages sans pour autant avoir l’impression d’assister à un exposé sur le sujet. Grâce aux différents personnages locaux et aux comparaisons entre les pays occidentaux et ceux de l’Est, on peut aisément essayer d’imaginer comment était la situation à cette époque, qui est encore relativement peu connue et explorée.
Henning Mankell nous offre une fois encore une enquête extrêmement bien ficelée, pleine de suspense et de rebondissements, qui prend place dans un univers propice au crime et très inquiétant. Si vous aimez les romans policiers et que vous vous intéressez à une page importante de l’histoire européenne de l’Est, vous vous laisserez sans nul doute emporter par ce roman.